Chapitre 19

Le jeune blond se redressa. Il ne lui restait plus qu’à mettre Josh au courant. Une porte claqua et des pas se hâtèrent vers la sortie. C’était surement lui. Ryan se précipita dans le couloir où il ne trouva personne. Il se dirigea donc vers la sortie en pensant qu’il avait très certainement rejoint sa voiture.

Le jeune homme sortit du bâtiment et vit la Volvo noire du photographe s’éloigner à vive allure. Il n’avait même pas pensé à l’attendre ?

Dépité, le blond rangea le papier dans une de ses poches et se dit qu’il devait aller chez Josh. En bus il ne devrait pas mettre plus d’un quart d’heure. Il se dirigea donc vers l’arrêt le plus proche et vit un bus lui passer sous le nez. Génial ! Ryan s’approcha de l’arrêt pour regarder les horaires. Il y en aurait un autre dans environ dix minutes. Le jeune homme s’assit et attendit. 5 minutes passèrent. Puis 10. Puis 15.

Le blondinet commençait à s’impatienter. Les minutes défilaient et aucun bus ne venait. Il attendait encore quand une vieille femme s’approcha de lui.

—    Vous attendez le bus monsieur ?

Non, non. J’adore regarder les voitures défiler devant moi dans un nuage de fumée noire, assis sur un banc plus qu’inconfortable à respirer toute cette pollution.

—    Euh… oui.

—    Mais, aujourd’hui, c’est jour de grève. Il y a moins de la moitié des bus qui circulent.

—    Ah bon ?

—    Eh oui.

—    Très bien, merci.

—    Je vous en prie. Bon courage. Ajouta-t-elle en s’éloignant.

C’était bien sa veine ! Il n’avait plus qu’à y aller à pieds. Le jeune homme entama donc sa marche, qui s’annonçait plutôt longue. Ce ne fut que trois quart d’heure plus tard qu’il atteint enfin l’appartement de son amant. Il sonna à l’interphone et patienta. Aucune réponse. Il re-sonna. Même chose. Ryan attendit quelques secondes avant de réessayer. Le silence lui répondit de nouveau. Il sortit son portable et composa le numéro du fixe de Josh. Le téléphone sonna longuement dans le vide avant que le répondeur ne se déclenche. Apparemment, il n’était pas chez lui. Le jeune homme essaya sur son mobile, qui bascula directement sur la messagerie. Il lui laissa donc un message lui expliquant qu’il était devant chez lui et qu’il l’attendait, puis, il s’assit devant l’immeuble, espérant ne pas attendre trop longtemps.

Il jeta son bras en arrière, le poing serré puis, le balança en avant en ouvrant la main. La pierre suivit une trajectoire rectiligne avant de plonger en piqué dans l’eau miroitante du fleuve. Les yeux dans le vague et les jambes pendants dans le vide, il recommençait inlassablement le même mouvement.

—    Tu vas finir pas te décrocher le bras.

Josh fronça les sourcils.

—    Qu’est-ce que tu fais là ?

—    Je passais dans le coin.

Le photographe posa un regard sceptique sur Terrence qui, à cet instant, le surplombait de toute sa hauteur.

—    En fait, je savais que tu serais là.

—    Ah bon ? Fit Josh en reportant son attention sur l’horizon et relançant des cailloux au hasard.

—    Oui. T’aime bien ce coin là quand ça ne va pas.

—    Et pourquoi ça n’irait pas ?

—    Fait pas semblant Josh. Les bruits courent. Et, tout le monde sait que les bruits ne commencent pas à courir tous seuls, faut leur apprendre à marcher d’abord.

Josh se retourna de nouveau vers lui, un sourcil levé.

—    Et quel genre de bruits seraient venus chuchoter à ton oreille pour te faire croire que j’avais besoin de toi ?

—    Du genre que tu te serais fait virer par ton père.

Le roux fronça les sourcils et reporta son attention sur la Seine à ses pieds. Il ne s’habituerait jamais au fait que Terrence soit au courant de tout avant tout le monde. A croire que toutes les rumeurs venaient s’échouer dans son oreille avant d’aller vadrouiller un peu partout.

—    Et ? T’es venu pour quoi ? Me consoler ? Ironisa-t-il.

—    Non. Juste voir comment tu t’enfonçais dans ton malheur.

—    Ça m’aurait étonné aussi.

Terrence le considéra un moment en silence, une ébauche de sourire aux lèvres.

—    Allez, lève-toi.

—    Pourquoi ? Demanda le jeune homme en levant la tête.

—    Je t’emmène te noyer dans ton désespoir.

Le photographe le regarda d’un œil morne et se leva lentement. Terrence l’entraina alors dans un bar non loin de là, et Josh le suivit sans rien dire. Ils s’accoudèrent au comptoir et presque aussitôt deux verres remplis apparurent devant eux. Le photographe ne se fit pas prier et entama sa boisson. Il jeta un œil autour de lui. C’était un endroit banal qui ressemblait à tous les bars. La salle était pratiquement vide, ce qui était compréhensible vu l’heure qu’il était. Pas loin de 16h. Cela faisait à peine une heure qu’il s’était fait « virer ».

—    Alors, avec ton petit jouet du moment, ça se passe bien ?

—    J’vois pas en quoi ça te regarde.

—    Peut-être parce qu’on est amis et que tu as besoin de parler.

—    Amis ? Excuse moi mais, t’as jamais eu d’amis. Tu ne sais pas ce que c’est. Soit tu méprise les gens, soit tu les ignores, soit tu les utilises pour ton seul profit.

—    Quoi qu’il en soit, tu as besoin de parler et je suis la seule personne que tu aie sous la main.

—    Pour que tu te resserves de ce que je te dirais, plus tard, pour ton profit personnel ? Non merci.

Le verre vide de Josh disparu pour laisser la place à un autre tout aussi plein que le premier.

—    Et comment va ton désespoir maintenant ?

—    J’suis pas désespéré. J’me suis juste fait virer. Pour un malentendu en plus.

Terrence hocha la tête. La langue de Josh commençait à se délier. Il apprendrait bientôt tout ce qu’il voulait.

Les verres s’enchaînaient et les paroles coulaient de plus en plus facilement. Le monde autour de Josh devenait flou. Un imbroglio de mouvements et de couleurs.

Le brun l’entraîna ailleurs. Tout tournait autour de lui et il n’aurait pas pu l’affirmer avec certitude, seulement il se souvint vaguement d’une douce brise lui effleurant la peau, ce qui aurait pu lui faire comprendre qu’ils étaient bien dehors. Après, ce fut presque le trou noir.

Un enchevêtrement de jambes. Deux peaux en contact. Une dose de sensualité incroyable. Un plaisir extrême. Puis, une lourde fatigue inévitable. L’inconscience.

Josh ouvrit les yeux et découvrit une chambre froide et grise. Il se releva sur les coudes et observa la pièce. Totalement fonctionnelle, vide de toute chaleur, de tous sentiments. Comme son propriétaire. Le photographe se leva précipitamment et le drap glissa sur sa peau dévoilant sa nudité. Il baissa la tête, prenant conscience de sa situation. Le bruit de la douche résonnait dans la chambre depuis la pièce voisine.

—    Et merde ! Lâcha-t-il.

Le jeune homme ramassa ses affaires en vitesse et se rhabilla encore plus vite. Il sortit de l’appartement et se retrouva hors de l’immeuble en moins de deux mais, dépité. Où était sa voiture ? Josh tourna la tête de chaque côté sans rien trouver. Il n’était surement pas venu à pieds. Le photographe avança sur sa droite, longeant le trottoir et scrutant la rue, à la recherche de son véhicule.

L’avenue était blindée de voitures mais, aucunes traces de la sienne. Il traversa la Seine et se retrouva à côté du Louvres. Mais, pour aller jusqu’au bar, ils n’avaient pas utilisé de voiture, ni pour aller jusque chez Terrence. Donc, elle devait forcément se trouver là où il l’avait laissé en venant. Une petite rue perpendiculaire à la rue de Rivoli. Il ne retenait jamais les noms de rues mais, il savait que c’était la rue face au jardin de Tuileries avec la librairie anglophone qui faisait l’angle. Effectivement. Elle était là. S’il y avait pensé un peu plus tôt, il aurait pu s’éviter cette perte de temps inutile.

Josh entra dans sa Volvo et appuya un instant sa tête contre le volant en soupirant longuement. Il se redressa et observa la rue. Les passants se succédaient les uns après les autres sans qu’il n’en garde nulle trace sur la rétine. Le jeune homme eut un léger sursaut. Il regarda sa montre. Déjà 18h. Il chercha son portable partout et fini par le trouver dans une des poches de son jean. Peut-être avait-on cherché à le joindre ? Son père, par exemple. Qui lui dirait qu’il avait commis une erreur et qu’il voulait le reprendre au magasine. Mais là, ce serait au tour de Josh de l’envoyer bouler. Il reviendrait y travailler, c’est certain. Mais, avant il ferait son tour du monde. Josh n’y avait pas vraiment réfléchi mais, cela semblait être une bonne idée. Surtout une bonne excuse pour dire non à son père.

Le photographe sortit son téléphone de sa poche. Il fronça les sourcils. L’appareil était éteint. Il ne se rappelait pas l’avoir coupé. Ou… Peut-être… Quand il était arrivé là, pour ne pas être dérangé. Surement.

Josh l’alluma et attendit patiemment qu’il se mette en marche. L’engin sonna plusieurs fois. Effectivement on avait cherché à le joindre. Il avait bien un message de son père. Il sourit. Il avait gagné. Son père avait reconnu son erreur. Josh était très confiant en entendant sa voix. Il lui demandait de revenir. Mais, pas pour reprendre son ancien travail. Seulement pour qu’il vide son bureau et enlève ses affaires. Le jeune homme soupira de lassitude. Supprima le message et attendit le suivant. C’était Ryan. Il lui disait qu’il l’attendait. Il y en avait un second pour savoir où il était. Et un troisième. Pour savoir s’il comptait rentrer. Le premier datant de 15h30 et le dernier de 17h, Ryan avait dû rentrer chez lui depuis le temps. Josh posa négligemment son cellulaire sur le siège passager et démarra. Il le rappellerait en rentrant.

Le photographe se gara devant son immeuble, épuisé. Il avait vraiment passé une journée de merde. Quel euphémisme ! Le matériel de photo avait disparu et on l’avait retrouvé dans son coffre. Il avait été accusé de vol et viré par son propre père. Il avait croisé Terrence avec qui il avait beaucoup trop bu et s’était réveillé dans le lit de ce dernier. Il était clair qu’ils n’avaient pas joué aux cartes… Et, en plus de ça, il avait surement fait beaucoup de peine à Ryan en ne le rappelant pas suite à ses messages. MA-GNI-FIQUE ! Sa journée avait vraiment été magnifique ! Restait juste à espérer qu’elle s’en tienne là et n’accumule pas d’autres éléments fâcheux avant qu’il n’aille se coucher. Il en avait plus que marre. Le jeune homme monta les escaliers et arriva devant sa porte. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant un Ryan endormi et attendrissant devant chez lui.

Il ne pu s’empêcher de sourire en le voyant. Il passa une main dans ses cheveux ébouriffés et ouvrit la porte silencieusement. Josh prit le blond dans ses bras et entra dans son appartement en refermant la porte du pied. Il l’installa sur son lit et lui ôta ses chaussures et sa veste pour qu’il soit plus à l’aise.

Le roux sortit de la chambre et ferma la porte derrière lui, le sourire aux lèvres. Ce gamin était vraiment imprévisible et spontané ! Il s’installa confortablement sur son canapé quand son portable sonna.

—    C’est pas très poli de partir sans dire au revoir.

—    Va te faire foutre Terry.

—    On devient vulgaire ?

—    J’ai rien à te dire. Pourquoi tu m’appelles ?

—    Je voulais seulement savoir où tu étais passé après t’être enfui comme un voleur, surtout que tu avais l’air d’avoir apprécié cette… rencontre.

—    Apprécier ? T’en a profité oui !

—    Profiter ? Tu as aimé. Pas la peine de mentir. Je le sais. Quoi ? Tu as peur de faire des infidélités à ton joujou ? Tu culpabilises ? Comme c’est mignon. Avant ça ne t’aurait jamais dérangé !

—    T’as bien profité de moi. D’un moment de faiblesse.

—    Faiblesse ? J’ai jamais entendu dire que Joshua Cleaven était faible. T’en avais envie c’est tout. Arrêtes de te cacher derrière des excuses bidons.

La communication fut coupée et Josh lança un regard noir à son téléphone avant de le jeter à l’autre bout du canapé. Il attrapa la télécommande de son téléviseur et l’alluma. Une image claire apparue puis, elle se mit à tressauter tandis que le son grésillait. L’écran devint noir et le son se coupa brutalement. Une légère fumée blanchâtre s’éleva dans les airs et une odeur de brûlé emplit la pièce. Manquait plus que ça !

Le jeune homme se leva, vérifia les branchements et réessaya d’allumer la télé, sans succès. Evidement, c’était couru d’avance.

—    ET MERDE ! Cria-t-il.

Il savait bien que ce téléviseur était une antiquité mais, il n’avait jamais eu le temps d’aller s’en acheter un nouveau. Mais, fallait-il vraiment qu’il le lâche à cet instant ?

Accroupi devant sa télé, il donna une légère tape sur l’écran. Josh débrancha tous les câbles reliés à son poste, par sécurité et se prit un petit coup de jus dans les doigts. Décidément. Ce n’était pas son jour !

            Deux bras vinrent lui enserrer le torse.

—    T’énerves pas. On ira en acheter une autre demain.

Josh se retourna, prit le blond dans ses bras et l’embrassa.

—    Et si, au lieu de détruire ta télé, tu venais plutôt te coucher ? Demanda Ryan en souriant.

Il le prit par la main et l’entraina vers la chambre.

            Finalement, cette journée allait en s’améliorant.